Le scorbut

Le scorbut

25 novembre 2021 0 Par Claudine Busca

Le scorbut décima les équipages des navires
Le scorbut décima les équipages des navires

Le scorbut, maladie longtemps mystérieuse, est devenu dès la fin du XV° siècle, un sujet de recherche. Rapidement les médecins de la marine ont fait le parallèle entre les longues traversées transatlantiques initiées par Christophe Colomb et le développement du scorbut. De toute l’Europe des bateaux partaient pour plusieurs semaines en mer sans escale. 

La mortalité des marins ne cessait d’augmenter. Ainsi, dès 1497, Vasco de Gama en contournant le Cap de Bonne Espérance perdit 110 marins sur les 160 embarqués. Ferdinand Magellan, en 1519, perdit 247 marins sur les 265. Jusqu’au début du XX° siècle des épisodes similaires foisonnent.

Fernand de Magellan
Fernand de Magellan

Un des derniers tristement célèbres est celui du cap-hornier Bidart de retour de Nouvelle-Calédonie, qui perdit pratiquement la totalité de son équipage.

Le scorbut
Le scorbut

A bord des navires, les conditions de vie et d’hygiène étaient lamentables. Ainsi, beaucoup de maladies s’y développaient. Les marins vivaient dans l’humidité, en surnombre, leur alimentation était très mauvaise par manque de vivres. Beaucoup sombraient dans l’alcoolisme ou la dépression. Le scorbut, une maladie redoutable, décima les équipages lors de ces siècles d’exploration et provoqua la mort de milliers de marins.

Une carence en vitamine C

En réalité, c’est une carence alimentaire en vitamine C qui est la cause de l’apparition du scorbut. A cette époque la vitamine C était alors inconnue. Cette maladie est apparue dès la Préhistoire, et tout au long de l’histoire de l’humanité, notamment chez les populations dont l’alimentation était déficitaire en aliments frais, surtout en légumes et fruits.

Structure moléculaire d'acide ascorbique (vitamine C)
Structure moléculaire d’acide ascorbique (vitamine C)

Ce n’est qu’en 1907 que deux chercheurs, Axel Holst et Theodor Frölich, réussissent à provoquer un scorbut expérimental chez un cobaye, privé de légumes et fruits frais. Jusqu’a cette date, les traitements n’étaient pas axés sur la vitamine C.

Il faudra attendre 1932 pour que deux chimistes britanniques ,Walter N. Haworth et Edmund Hirstla découvrent la structure précise de la vitamine.

Haworth avec l’aide d’un chimiste hongrois Szent-Györgyi, décida de nommer cette vitamine « acide ascorbique » (a-scorbique : qui éloigne le scorbut) afin de montrer son efficacité dans le traitement du scorbut. Ensemble, ils obtiendront le prix Nobel en 1937.

Avant la vitamine C

Il faut souligner que c’est un apothicaire français, Moyse Charas, qui proposa en 1676 dans son ouvrage « Pharmacopée Royale Galénique et Chymique » un breuvage anti-scorbut.                                                        La composition était la suivante: fougère de mer, angélique, radis noir, zestes de citron et d’orange, mélisse, fumeterre, cochléaire, bécabunga, cresson officinal, menthe, chardon bénit et tartre blanc. 

« Pharmacopée Royale Galénique et Chymique » un breuvage anti-scorbut.   
« Pharmacopée Royale Galénique et Chymique » un breuvage anti-scorbut.   

Puis, un autre apothicaire et chimiste français né à Rouen, Nicolas Lémery, rédiga en 1697 un ouvrage scientifique « Pharmacopée universelle », dans lequel il propose une au antiscorbutique.                                   Elle était cette fois composée de radis noir, cochléaire, cresson officinal, bécabunga, menthe poivrée, mélisse et fumeterre. 

Mais c’est James Lind, médecin et officier de la Marine royale britannique (Royal Navy) qui le premier en 1753, publia un ouvrage « Traité sur le scorbut » et mit réellement en évidence l’effet du citron et du jus d’orange sur le scorbut.                                                                                                                             Malheureusement, à cette époque on ne connaissait pas encore la vitamine C.

Voici sa prescription: 1 citron et 2 oranges par jour·  une pinte de cidre par jour·  6 cuillerées de vinaigre par jour·  une pâte à l’orgeat 3 fois par jour·  25 gouttes d’élixir de vitriol (acide sulfurique) 3 fois par jour·  la moitié d’une pinte d’eau de mer par jour

Les traitements anti-scorbut à l’origine de nos cocktails?

Pendant ces siècles, des recherches de médicament pouvant guérir du scorbut ou l’empêcher, ont donné naissance à des breuvages originaux. 

Ainsi, le Capitaine Cook préconisait ce que nous nommons du whisky :                                                           « C’est la décoction très légère de deux livres de drech ou malt d’orge dans trente pintes d’eau. Il faut doubler cette quantité, quand on veut employer cette décoction après l’avoir fait fermenter. L’usage en est recommandable pour prévenir le scorbut, ou pour en arrêter les progrès »

L’ordonnance Royale de 1689 préconisait quant à elle un « Breuvage de tempérance »: « Il consiste dans le mélange d’une pinte de vinaigre et autant d’eau-de-vie avec trente pintes d’eau commune. Ce breuvage désaltère et fortifie les matelots. Il prévient le scorbut et en arrête les progrès ». En réalité, depuis bien longtemps, l’usage de l’eau-de-vie dans la marine était de rigueur. Notons que l’amiral Vernon qui la rendit règlementaire dans la marine anglaise en 1740. Pour la petite histoire, il était surnommé « Grogram, toile à gros grains » et c’est ainsi que par abréviation, le mot grog apparut. 

Le grog anti-scorbut de l'amiral Vernon
Le grog anti-scorbut de l’amiral Vernon

Une autre recette fut donnée par un chanoine naviguant sur le vaisseau Le Comte d’Argenson en janvier 1761. Il écrivait : « On a commencé à faire des punchs. A une pinte et demie ou deux pintes d’eau, on ajoute environ une chopine d’eau-de-vie, du sucre, le jus de cinq ou six citrons et on passe le tout dans un linge. »

 Notons que ce chanoine, lui aussi convaincu des bienfaits des agrumes pour traiter le scorbut, était Alexandre Pingué. Il était également astronome-géographe du roi. Chanoine et savant, il connaissait les bonnes choses et son breuvage anti-scorbut fut certainement très apprécié… 

https://bassin-arcachon-patrimoine-naval-plaisance.fr/2021/04/11/almee-ii/

Sources:

https://dumas.ccsd.cnrs.fr

https://www.revuebiologiemedicale.fr