Victor Despujols, le vent du changement
Victor Despujols, changement de cap. Seconde partie.
Victor Despujols, passionné de voile depuis sa plus tendre enfance, se lance dans le motonautisme.. Le Bassin d’Arcachon, où il venait en villégiature avec ses parents, fut son premier terrain de jeu. Il résidait boulevard de l’Océan, au chalet Berthe, juste à coté du chalet Pereire. Son père Jean, le revendit en 1897 à Mademoiselle Labye.
Après une adolescence durand laquelle, il partagea son temps entre des études brillantes à Bordeaux et les régates de modèles d’Arcachon, Victor Despujols fut propriétaire de plusieurs yachts fameux (voir page d’introduction). Systématiquement à la barre de ses voiliers, il enchainait les régates sur le littoral français, accumulant les victoires et les trophées. Il participait à bord de ses yachts aux régates d’Arcachon mais également de Bordeaux, Marseille, Nice, Trouville, Royan.
1903 sera l’année du choix, le vent du changement va lui faire changer de cap.
Victor Despujols, grand régatier
La Coupe de Nice
En février 1903, lors de la Coupe du Club Nautique de Nice, Victor Despujols, dans une lutte incroyable contre son concurrent, l’italien Noli da Costa, propriétaire de Marmar, remporta sous les acclamations de la foule la régate finale.
Lors de ce duel acharné, Victor Despujols remporta la coupe, grâce à son habileté incroyable et sa connaissance de la Baie des Anges à Nice où il avait souvent régaté. Son frère Lucien était son équipier.
Vers la fin de la course, Marmar, pour empêcher Ephémère de le distancer, lofa à plusieurs reprises, mais perdit du terrain. Dans le dernier bord, les bateaux étaient côte à côte. Les voiles gonflées sous le vent, l’équipage concentrait ses efforts, chaque manoeuvre était décisive. La foule de spectateurs restait silencieuse. Les secondes semblaient s’étirer, suspendues à l’issue incertaine de cette course. Dans dans un élan final, l’écume jaillissait des coques fendant l’eau, l’équipage d’Ephémère présenta l’étrave du yacht sur la ligne d’arrivée, huit secondes avant sont concurrent. Cet écart infime était suffisant pour seller leur triomphe.
Cette fabuleuse victoire n’était pas seulement celle de l’équipage, elle était aussi celle de la France. Le club nautique de Nice récupérait la Coupe des un-tonneau qui par deux fois était partie à l’étranger.
La régate de Pauillac
En suivant, lors des régates de la Société de la voile de Pauillac, le yachtman espagnol Monsieur Gallo lui offrit la barre de son yacht Luisilla II. Précisons que, ce yacht construit à Bordeaux sur un plan Joseph Guédon, fut modifié au chantier Bonnin d’Arcachon afin d’en modifier la jauge.
A nouveau, alors qu’il barrait ce yacht pour la première fois, Victor Despujols émerveilla les spectateurs par l’habileté de ses manœuvres. Il effectuait chacun de ses virements avec une telle maitrise et fluidité que le public était captivé.
L’ensemble de la presse l’admirait régulièrement et citait ses qualités incontestables de barreur. Mais Victor Despujols imaginait déjà autre chose.
Certes, la voile était sa passion, mais les temps changeaient. Notre société évoluait très vite et il dut faire un choix. Soit, rester dans cette zone de confort ou il faisait l’admiration de ses pairs ou tenter de s’investir dans une nouvelle aventure. La mode frémissante des canots automobiles se développaient. C’était la Belle Epoque.
La Belle Epoque, berceau du motonautisme
C’est à la Belle époque que la motonautisme est apparu. Cette période, marquée par un bouillonnement culturel, artistique et technologique sans précédent, est caractérisée par des avancées majeures qui ont transformé notre société..
Les rues des villes résonnaient du bruit des automobiles, tandis que l’esprit humain s’éveillait à un nouvel ordre de créativité. C’était une époque fabuleuse, où les barrières traditionnelles de l’art et de la technologie commençaient à se fissurer, laissant place à l’invitation et l’exploration. Notons que, l’art moderne émergeait avec audace grâce à Picasso et Matisse. On commençait à voir le monde avec un prisme nouveau.
La population française était alors divisée en deux parties très distinctes. D’un côté, les ouvriers qui travaillaient dans des conditions très dures pour de maigres salaires, souvent confrontés à un cadre de vie insalubre. De l’autre côté, la bourgeoisie qui détenait les banques, et les postes influents au sein du gouvernement. Animés par le sens du travail et de l’épargne, ils parvenaient à s’élever socialement. Ils se distinguaient par leur « bon goût » et tendaient à imiter les usages de l’aristocratie, encore largement influente, qu’ils côtoyaient.
Dans cet élan de renouveau, on découvrait aussi la notion de loisir. Les parcs, les théâtres et les cafés devenaient des lieux de rencontre où l’on pouvait savourer le fruit de son labeur. C’est dans cette ambiance que le monde du nautisme se transforma, donnant naissance au motonautisme.
Le début du motonautisme
L’arrivée de la motorisation révolutionna le monde du nautisme. Jusque là, la voile régnait en maitre avec son calme et sa douceur. Au début, une relative désapprobation se fait sentir. On trouvait des puristes contrariés, regrettant que les « vrais yachts » soient concurrencés par « les machines de course ». Mais, très vite le motonautisme attira et passionna la majorité. Un bateau devenait alors plus accessible, plus rapide et plus facile à manoeuvrer, offrant la promesse d’une navigation immédiate et sans effort.
Le nombre de canots à moteur de loisir augmenta d’une manière significative et il devint possible d’en louer à Paris auprès de la Paris Yachting Agency.
Au delà de l’utilisation des moteurs à des fins de loisirs ou professionnelles, le canot automobile devint un sport et un véritable signe de distinction. Il passionna bientôt toutes les catégories sociales et la foule était immense lors des courses ou des essais.
Bien entendu, les jouets aussi, véritables miroirs de nos évolutions sociales, n’échappèrent à cette nouvelle mode et se transformèrent pour s’adapter à cette tendance.
Alors les fabricants automobiles, désireux d’explorer de nouveaux marchés, se lancèrent dans la construction de moteurs marins, et leur donnèrent rapidement une destination sportive. Ajoutons que le canotage servait aussi l’industrie du moteur, en général, car il constituait un banc d’essai moins couteux que la course automobile.
Les premières courses ce canots automobiles
Après une première tentative de course de canots à Nice en 1894, l’Hélice Club de France organisa une seconde épreuve sur le bassin d’Asnières- Courbevoie en 1897. Initialement prévue pour le 20 juin, elle fut reportée au dimanche 27 juin 1897.
Cependant, c’est véritablement, à partir de 1902, que les sociétés nautiques commencèrent à organiser des courses de canots à moteur. D’Arcachon à Suresnes, en passant par Nantes ou Cannes, elles les intégraient au programme des régates à voile.
Notons qu’à l’occasion de l’exposition Universelle de 1900, qui fut un évènement marquant, plusieurs congrès furent organisés. L’un d’eux, particulièrement important, visait à règlementer les bateaux de course à moteur. Cette initiative marquait une étape cruciale visant à organiser cette nouvelle discipline sportive.
Les systèmes de propulsions s’améliorant de jour en jour, il était très compliqué d’organiser des courses par catégories. Mais, n’ayant reçu aucune proposition dans les temps, le règlement qui ne prenait en compte que la longueur des bateaux, fut maintenu jusqu’en 1903.
Paris à la Mer
A l’issue des accords et des discussions établis lors du congrès de l’Exposition universelle, partout en France, les sociétés de yachting organisèrent des courses de canots à moteur. Georges Prade, le célèbre et influent journaliste sportif, témoin de cette évolution, déclara:
Dans ce contexte, l’évènement le plus marquant, fut la création de la course Paris à la Mer, organisée par la Journal L’Auto,. Il commença le 30 août 1903.
La couverture médiatique de cette épreuve fut spectaculaire. C’est le magasine La Vie au Grand Air qui se chargea des reportages photographiques.
Cette course-croisière en plusieurs étapes, allait de Courbevoie à Trouville, à bord de canots automobiles. Le parcours était soigneusement balisé. Il devait mettre à l’épreuve la vitesse et la maniabilité des différents modèles, tout en garantissant la sécurité des participants. Ce fut un succès immédiat et sans précédent. Les spectateurs, fascinés, affluaient sur les bords de la Seine, transformant le fleuve en un véritable spectacle nautique.
Notons que, cette épreuve exigeait que les canots concurrents soient entièrement construits (moteur et coque), dans le pays qu’ils représentaient.
L’appel de Monaco
Fin 1903, le Sporting club de Monaco créé par la Société des Bains de Mer, décida d’organiser dans le quartier du Larvotto, le plus prodigieux des meetings de canaux automobiles qui n’est jamais été encore proposé. Ce meeting, précédé par une exposition de canots, fut programmé du 4 au 19 avril 1904.
Présidé par Camille Blanc et avec le soutien du prince Albert 1°, surnommé « le Prince navigateur», l’affluence de la prestigieuse et richissime clientèle de Monégasque permettrait à ce meeting de se hisser au premier rang.
Le programme prévoyait diverses épreuves pour toutes les catégories, avec une longueur maximale de 25 mètres pour les canots. Il accueillerait des racers, des cruisers, ainsi que des canots de pêche et de bossoir. L’éventail complet des utilisations pratiques et sportives des bateaux à moteur serait mis en avant. Ils acceptèrent les engagements jusqu’au 31 décembre.
Victor Despujols savait que ce meeting serait crucial pour son avenir. Les opportunités d’échanges avec des experts de renom et des investisseurs influents seraient multiples. Il décida de changer de cap et envisagea alors, de fonder son entreprise et de se hisser parmi les plus grands.
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